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Photo du rédacteurPascal André

L'hypnose au service des personnes en fin de vie, de leurs proches et des soignants

Maud Liesenberg travaille depuis une quinzaine d’années comme psychologue à l’asbl Pallium, la plateforme de concertation en soins palliatifs du Brabant wallon, ce qui fait d’elle le plus ancien membre de l’équipe. En 2018, elle a suivi une première formation à l'IMHEB en hypnose conversationnelle stratégique, mais pour faire face aux différentes situations qui se présentent à elle, elle a exprimé le souhait de renforcer ses connaissances dans ce domaine afin d’être davantage outillée. Elle pourra le faire cette année grâce au soutien de la Fondation Ginette Louviaux.


  • Pourquoi suivre une nouvelle formation, alors que vous en avez déjà suivi une il y a cinq ans environ ?

  • Je suis très heureuse d’avoir suivi cette première formation en hypnose PTR, car elle m’a permis d’acquérir les bases et de réaliser à quel point il s’agit d’un outil extraordinaire. Ce qui m’a cependant toujours gêné, c’est cette impression d’avoir un outil terriblement puissant entre les mains et qui est présenté comme étant à la portée de tous. Je suis sans doute particulièrement prudente, mais mon expérience en tant que psychologue clinicienne me fait dire qu’avoir un bagage professionnel dans la relation d’aide est important pour pouvoir user de cet outil. En effet, l’hypnose permet d’avoir accès à l’inconscient de la personne et peut déclencher des réactions qu’il faut pouvoir accueillir et gérer. Dans ma pratique professionnelle, je me suis souvent dit que ce serait bien de recourir à l’hypnose, mais je ne le faisais pas systématiquement, car, même si l’hypnose était tout indiquée dans la situation, je ne me sentais pas encore suffisamment à l’aise avec cette pratique pour la proposer à tous mes patients. J’avais souvent peur de mal faire. Voilà pourquoi j’ai demandé à suivre une formation complémentaire.

  • En quoi l’hypnose est-elle utile dans le cadre des soins palliatifs ?

  • Si j’ai suivi cette formation en 2018, c’est parce que dans ma pratique de psychologue, j’étais souvent confrontée à des personnes qui, dans leur parcours de fin de vie, venaient avec de gros « dossiers » non réglés, d’énormes questions existentielles, des secrets, des non-dits, des deuils non faits, etc. Or, en soins palliatifs, la demande du patient est d’être soutenu dans ce qu’il vit et souvent d’alléger au maximum certains poids un peu trop encombrants… Dans ma pratique « classique », je soutiens ce parcours de fin de vie parfois compliqué en écoutant, ouvrant des portes, analysant les mécanismes psychologiques, les rationalisant, mais que fait-on si l’inconscient continue à avoir sa propre vision de ce qui se passe et à fonctionner comme il l’a toujours fait ? L’hypnose permet ici de travailler en direct avec cet inconscient qui, pour ses bonnes raisons, a mis en place toutes sortes de comportements, de symptômes parfois, de pensées qui ont à un moment donné de l’histoire du patient protégé celui-ci mais qui aujourd’hui le dérangent. Ce qui est incroyable avec l’hypnose, c’est qu’elle permet de soulager certaines souffrances en quelques séances, là où il faudrait parfois plusieurs années de thérapies plus classiques.

  • Pouvez-vous me donner des exemples où l’hypnose a été particulièrement efficace ?

  • Lorsque je travaillais dans l’équipe mobile de soins palliatifs à la Clinique du Bois de la Pierre, à Wavre, on m’a demandé d’aller voir une dame qui ne parvenait plus à manger depuis deux semaines et vomissait tout ce qu’elle ingurgitait, sans qu’on sache très bien pourquoi. Avec son accord, nous avons organisé une séance d’hypnose durant laquelle elle a pu expérimenter dans cet état de conscience modifié avec ses propres ressources, son imaginaire et sa mémoire un moyen de régler ce blocage. Je l’ai évidemment guidée avec bienveillance par certaines techniques, mais c’est un vrai travail que l’on fait à deux. C’est bien plus puissant de partir de ce que la personne amène elle-même que de nos propres suggestions de thérapeutes qui ne vont peut-être pas parler au patient. C’est ainsi que son petit-fils, lors de sa fête d’anniversaire, s’est miniaturisé et a pu « rentrer » dans son estomac pour y placer tous les beaux ballons de couleur qu’il y avait à la fête, plus il plaçait de ballons, plus son estomac était léger… La séance nous a permis de comprendre une peur que la patiente avait et qui se symptomatisait au niveau de l’estomac. Dans ce cas, l’inconscient savait d’où venait le blocage et a réglé le souci. En fait, sa demande n’était pas d’identifier l’origine du problème, mais d’être soulagée. Mais en hypnose, nous devons être très prudents et ne jamais « supprimer » un symptôme sans investiguer pourquoi il est là et sans s’assurer qu’il n’y a pas une souffrance psychologique liée au symptôme. Sinon, nous allons en supprimer un pour le faire remplacer par un autre ! Ce serait problématique ! Dans ce pacte de confiance fait avec le patient, nous devons lui expliquer tout cela ! Je me souviens également d’une femme d’une cinquantaine d’années, qui avait tous les symptômes de la sclérose en plaques, bien qu’aucun examen n’ait jamais pu confirmer qu’elle souffrait vraiment de cette pathologie. Elle avait quasiment perdu la vue et ne se déplaçait presque qu’en chaise roulante. On m’a demandé de lui faire passer un test pour la mémoire et, en discutant avec elle, j’ai découvert qu’elle ne souvenait plus de ce qui s’était passé quand elle était jeune. Un trou de mémoire d’environ quinze ans. Soupçonnant qu’il devait s’être passé quelque chose d’assez traumatisant durant cette période, je lui ai proposé de faire une séance d’hypnose. Au départ, elle pensait que je la prenais pour une folle, mais elle a été rassurée quand je lui ai expliqué que le corps n’a parfois pas d’autre choix que de déclencher des maladies pour se protéger. Cette explication lui parlait sans trop bien savoir pourquoi. Lors de la première séance d’hypnose que j’ai co-animée avec une collègue pour me rassurer, elle est rentrée très rapidement en transe profonde et des souvenirs traumatisants sont remontés à la surface. En hypnose, en suivant le protocole de la PTR, elle a pu « régler ses comptes » avec les causes de sa souffrance et donc le processus inconscient de libération de ses protections qu’elle avait mises en place pour ne pas souffrir pouvait s’entamer. A la fin de la séance, elle est revenue à elle et ne se rappelait plus de rien. Je l’ai accompagnée dans cette levée d’amnésie en douceur et nous avons oscillé entre des entretiens classiques (une levée d’amnésie et faire remonter un trauma dans le conscient doit pouvoir s’accompagner hors hypnose également !) et encore deux séances d’hypnose. Face à de gros traumas, il faut souvent plusieurs séances pour pouvoir tout travailler. Je n’ai malheureusement pas pu continuer à l’accompagner, car son hospitalisation prenait fin et, à l’époque, je n’avais pas de cabinet. J’ai donc passé le relais à une collègue. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue par la suite, mais après ces trois séances d’hypnose, elle était fière de me montrer ses bottines à talon qu’elle s’était achetée car elle remarchait et sa vision s’était nettement améliorée ! Elle s’est rendu compte que la protection qu’elle avait mise en place inconsciemment n’était plus nécessaire. Ce qui est important de retenir dans cet exemple, c’est que cette maladie n’était pas inventée, n’était pas psychiatrique ! C’est une réelle maladie qui peut trouver ses origines dans une souffrance psychologique. Comme pour toute maladie, il faut trouver la cause du symptôme.

  • En quoi consiste la formation que vous allez suivre cette année au Centre de formation ABSOLEM ?

  • Je vais commencer par un week-end de remise à niveau. Ensuite, je suivrai différents modules portant chacun sur un thème différent. Pour certains, le lien avec ma pratique en Soins Palliatifs est évident comme les modules sur les angoisses et les peurs, la préparation aux actes médicaux, la psychosomatique, les douleurs chroniques ou le deuil, tandis que d’autres semblent plus éloignés. En effet, avec l’hypnose, on ne sait jamais très bien sur quoi cela va déboucher. Ainsi, vais-je suivre des modules sur les abus sexuels, la dépression et le burn out, le syndrome de l’imposteur, la régression hypnotique ou encore la façon de se libérer d’une emprise. Comme je l’ai déjà dit, un patient peut présenter une souffrance (angoisse de mort, deuil, symptôme douloureux, douleur chronique, etc.), mais on ne sait jamais quel est l’origine de ce trouble. Un deuil peut réveiller un trauma plus ancien, une douleur peut prendre sa source dans un abus sexuel, une angoisse liée à la morphine peut faire resurgir le décès d’un proche lié à sa médication, un patient qui semble ne rien comprendre est peut-être en protection sous forme de régression hypnotique, etc. Je vais donc avoir des outils supplémentaires, car même si je fonctionne souvent à l’instinct, il est important d’avoir des balises, de me sentir plus légitime dans ce que je fais et d’avoir davantage confiance en moi. Ces derniers temps, j’avais un peu laissé tomber l’hypnose ne me sentant pas assez rassurée par rapport à mes acquis, mais le fait que la Fondation Ginette Louviaux croie en ce projet et accepte de le financer m’a donné l’envie de replonger dans le bain et de reprendre les séances. Un tout grand merci !

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